Menu
Logo du site C'est évident ?

C'est évident ?

Etre d'ici ou pas d'ici

Par Nogat le vendredi 15 juin 2012 - Vous êtes certain ?

Elle (ou il) n'est pas d'ici est l'argument trouvé par les adversaires de Ségolène Royal, de Jean Luc Mélenchon, de Henri Guaino ou de Cécile Duflot aux élections législatives. C'est ce qu'on appelle aussi du parachutage.

La notion géographique du parachutage est très relative : Cécile Duflot a été élue municipale de Villeneuve-Saint-Georges et conseillère régionale du Val-de-Marne jusqu'à une date récente avant d'être candidate aux élections législatives dans la 6e circonscription de Paris, soit à 38 km de distance !

En politique, on se contente d'être classé d'ici si on vit réellement dans le canton ou la circonscription où l'on est candidat. On est alors censé être plus proche des habitants et mieux les connaître. Le plus important ne serait-il pas ce que fait (ou prévoit de faire) un élu de la nation pour sa circonscription ?

Mais dans nos petits villages, depuis quand est-on d'ici ? Je suis née à 16 km de mon lieu actuel d'habitation, mais je suis propriétaire de ma maison sur cette commune depuis 38 ans et je ne suis toujours pas d'ici ! Mon voisin y habite depuis encore plus longtemps que moi et il n'est pas d'ici, mais ses enfants qui sont nés ici se sentent bien d'ici ! Le lieu de naissance n'est pas toujours suffisant : la plupart des habitants de ma commune sont nés dans la même maternité que moi, à 16 km d'ici ! Pour être d'ici, il faut souvent que la famille soit d'ici. L'idéal serait de dire : ma famille est d'ici depuis x générations.

Les choses changent doucement puisqu'on accepte d'élire un maire qui n'est pas né ici, puisque parfois une majorité du conseil municipal n'est pas née ici. Les gens d'ici n'ont pas le choix : l'exode rural les a souvent conduit ailleurs et le goût de la nature a conduit les gens d'ailleurs ici, par un étonnant jeu d'aller-retour entre ruraux et urbains, qui ne date pas d'aujourd'hui : Ils quittent un à un le pays… Pourtant que la montagne est belle, disait Jean Ferrat en 1964.

Au-delà du cas particulier du parachutage électoral, le fait d'être d'ici nous donne-t-il une légitimité face à celui ou celle qui n'est pas d'ici ? Dans certains coins, certaines circonstances, c'est un argument pour certaines personnes.

Je connaissais un Corse qui chassait les randonneurs non Corses du refuge corse où il voulait passer la nuit avec son groupe, parce que lui, était d'ici. Je connaissais des Africains et des Corses qui parlaient entre eux dans la langue de leur village devant les autres pour bien marquer leur appartenance commune par rapport à ceux d'ailleurs.

Etre d'ici est à géométrie variable. Selon les cas, les lieux, les époques, c'est être du même village, du même canton, du même département, de la même région, du même pays. A certains moments, cela va jusqu'à être de la même religion, de la même culture, de la même langue : les wallons sont-ils d'ici dans l'arrondissement flamand BHV (Bruxelles-Hal-Vilvorde) ? Les Serbes chrétiens sont-ils d'ici au Kosovo et les Bosniaques musulmans à Banja Luka ? Actuellement, en Syrie, sunnites, alaouites, chrétiens sont-ils tous d'ici ? En Egypte, les Coptes, dont la langue descend de l'égyptien ancien, sont-ils d'ici pour beaucoup d'Egyptiens ?

Carte de l'épuration ethnico-religieuse en Bosnie

Carte de l'épuration ethnico-religieuse en Bosnie.

Maintenant, le chauvinisme ou le racisme, puisqu'il faut bien les appeler par leur nom, se sont un peu élargi géographiquement.

Sans remonter aux tribus gauloises, dans ma région natale, d'un côté ou l'autre du Rhône, on faisait d'abord partie de 2 pays : l'Empire (Saint Empire Romain Germanique) et le Royaume (de France), puis de 2 provinces : Dauphiné et Vivarais, puis de 2 départements : Drôme et Ardèche, puis d'une région : Rhône Alpes. Les étrangers, en France, ne sont plus les ritals ou les polaks de mon enfance, ce sont les Arabes, les Turcs, les Africains.

Par glissement raciste, la couleur de peau (la race ?) fait parfois barrage entre ceux d'ici et ceux qui ne sont pas d'ici. Un noir ne peut pas être d'ici pour certains. C'est oublier que les Antilles font partie de la France depuis le 17e siècle et la Réunion depuis le 18e siècle. C'est oublier que Nice et la Savoie étaient encore italiennes à cette époque. Sans parler de la question de savoir si on est noir ou blanc quand on a du sang noir et du sang blanc dans les veines (expression ridicule, puisque dans tous les cas le sang est rouge !).

Carte de France en 1789, sans la Savoie et le Comté de Nice

Carte de France en 1789, sans la Savoie et le Comté de Nice.

Bref, être d'ici ou pas d'ici est-il important ? Le lieu de naissance et la famille d'origine ne sont-ils pas des données personnelles, comme l'appartenance religieuse ou politique ? La question est source d'exclusion, elle n'a donc pas de légitimité. Cela repose la question des racines ou des origines. Quand sera-t-on des hommes et des femmes seulement ?

Commentaires

Le mardi, 19 juin 2012 par Cathy

Au 17è et 18è siècle Nice et la Savoie faisaient partie de la Maison de Savoie, avec quelques occupations françaises, pas de l'Italie non encore unifiée. L’Italie a été crée en 1861 après l'annexion de 1860.

Le mardi, 19 juin 2012 par Nogat

C'est vrai, l'Italie moderne est plus récente, mais Nice et la Savoie ne sont officiellement françaises que depuis 1860. Les habitants de ces 2 régions n'étaient donc pas d'ici pour les Français de l'époque. Les États de Savoie ont même été appelés "états sardes" en 1718. Et c'est la Maison de Savoie qui unifie l'Italie au moment du Risorgimento ! Par commodité, on parle toujours d'Italie quand on cite les cités-états des 14e – 16e siècles (Venise, Gênes, Florence ...), c'est pourquoi j'ai dit que Nice et la Savoie étaient italiennes. Je reconnais que cette facilité de langage peut choquer les puristes ou les Savoyards.

- Haut -