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C'est évident ?

La théologie de la prospérité

Par Nogat le samedi 23 novembre 2019

Théologie de la propérité

Pour certains chrétiens évangéliques la Bible enseigne que la richesse et la santé sont accordées aux bons croyants et que la pauvreté est une punition divine.

Plus les croyants payent la dîme obligatoire, plus ils font grandes offrandes aux églises et plus ils sont récompensés par Dieu, qui peut leur apporter la guérison ou la prospérité. Ils évitent ainsi les malédictions de Dieu, les attaques du diable et la pauvreté. Résultats, les fidèles se ruent vers les églises évangéliques et font des dons importants.

Histoire de cette théologie

Elle est née aux USA dans les années 1960 et 1970. Les fondateurs sont des pasteurs pentecôtistes évangéliques texans comme Kenneth Copeland qui a publié en 1974 The Laws of prosperity. Autres prédicateurs à succès : Joyce Meyer, Gloria Copeland, Kenneth Hagin, Benny Hinn, Fred Price, Guillermo Maldonado et Joel Osteen.

Le pasteur pentecôtiste évangélique Kenneth Copeland

Le pasteur pentecôtiste évangélique Kenneth Copeland

À partir des années 1970, cette théologie rencontre un grand succès en Amérique latine et en Afrique noire où l’on promet aux pauvres bonheur et richesse, à condition de faire confiance à leurs prédicateurs. Résultat : un boom des pasteurs de plus en plus riches, parfois escrocs, et un développement au détriment de l’Église catholique et des Églises protestantes classiques.

En France, les églises évangéliques commencent à avoir du succès auprès de communautés chrétiennes issues des DOM TOM ou de l’immigration. Mais la théologie de la prospérité a encore du mal à s'installer, en raison du fonds culturel catholique qui se méfie de la richesse. Certaines églises pentecôtistes ou charismatiques se spécialisent plus dans la recherche de la guérison physique des maladies que dans la recherche de richesse : Dieu devient distributeur de miracles, à la manière de Jésus faisant marcher des paralytiques et voir les aveugles.

Justifications religieuses

- Dans l’Évangile de Mathieu, 8-16, il est dit :

Le soir venu, on lui amena beaucoup de possédés ; par sa parole, il en chassa les esprits, et guérit tous ceux qui étaient malades.

Le pasteur peut donc faire comme Jésus : chasser les démons et guérir les malades !

- Dans l’Évangile de Jean, 3-2, il est dit :

Bien-aimé, je souhaite que tu prospères à tous égards et sois en bonne santé, comme prospère l’état de ton âme.

Cela définit ce qu’est la prospérité : richesse, santé physique et spirituelle.

- L’épître de Saint Jude 3 dit :

Bien-aimés, comme je désirais vivement vous écrire au sujet de notre salut commun, je me suis senti obligé de le faire afin de vous exhorter à combattre pour la foi qui a été transmise aux saints une fois pour toutes.

Chacun doit combattre pour la foi et Dieu lui accordera la prospérité !

Citations contradictoires et oubliées

Je n'ai pas pu trouver de citations plus pertinentes pour justifier cette théologie de la prospérité ! Ces citations sont vraiment pauvres et peu nombreuses pour justifier que la Bible encourage la prospérité matérielle !

Pour manipuler les foules, il ne semble pas nécessaire d'avoir des arguments nombreux et efficaces. Il suffit d'affirmer haut et fort n'importe quoi et les crédules sont satisfaits.

Pourtant, la Bible ne manque pas d'arguments clairs pour affirmer la méfiance de la religion chrétienne vis-à-vis de la richesse.

Dans l’Évangile de Mathieu 19-24, il est dit :

Je vous le dis encore, il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu.

Jésus chassant les marchands du temple - Le Greco

Tableau du Gréco

Jésus a aussi chassé les marchands du temple, selon l’Évangile de Jean 2- 14 à 16 :

Il trouva dans le temple les marchands de bœufs, de brebis et de colombes ainsi que les changeurs qui s’y étaient installés. Alors, s’étant fait un fouet avec des cordes, il les chassa tous du temple, et les brebis et les bœufs ; il dispersa la monnaie des changeurs, renversa leurs tables ; et il dit aux marchands de colombes : ôtez tout cela d’ici et ne faites pas de la maison de mon Père une maison de trafic.

Dans l’Évangile de Marc, 10-21, à propos d’un homme riche qui demande à Jésus ce qu’il faut faire pour obtenir la vie éternelle, il lui répond :

Une seule chose te manque : va, vends ce que tu as, donne-le aux pauvres et tu auras un trésor au ciel, puis viens, suis-moi.

Le message anti richesse semble évident !

Pour les télévangélistes, le message est simple : plus vous donnez aux églises évangéliques et surtout à leurs pasteurs et plus vous recevrez de Dieu, au centuple ! Pour le justifier, ils détournent un texte de Marc 10, 29-30 :

Jésus déclara : En vérité, je vous le dis, nul n’aura quitté maison, frères, sœurs, mère, père, enfants ou champs à cause de moi et à cause de la Bonne Nouvelle, qu’il ne reçoive le centuple dès maintenant au temps présent, en maisons, frères, sœurs, mères, enfants et champs, avec des persécutions, et dans le temps à venir, la vie éternelle.

Son succès chez les politiques

Donald Trump est proche du pasteur Norman Vincent Peal, adepte de la théologie de la prospérité et de nombreux prédicateurs l’ont soutenu pendant sa campagne.

Donald Trump et la télévangéliste Paula White

Donald Trump et la télévangéliste Paula White

La télévangéliste Paula White, qui a fait fortune avec son église de 20 000 fidèles, a proclamé que ceux qui ne voteront pas pour Trump à mi-mandat iront en enfer !

Trump aurait-il été élu président s’il n’avait pas reçu le soutien des chrétiens évangéliques ?

Au Brésil, Jair Bolsonaro a également été le candidat des chrétiens évangéliques qui l’ont fait élire.

Au Burundi, le président Nkurunziza est évangélique, soutenu par des églises évangéliques américaines et australiennes.

Une question se pose : démocratie et évangélisme font-ils bon ménage ? Quel avenir pour les libertés démocratiques ? Il semble que les chrétiens évangéliques soient majoritairement à droite, voire à l’extrême droite en politique, réactionnaires en morale, intolérants.

Le chercheur Jean-Jacques Kourliandsky parle de "national-évangélisme".

Conclusion

Les chrétiens évangéliques interprètent la Bible de manière littérale, mettant en doute les connaissances scientifiques sur l’histoire du monde. Ils croient qu’un Dieu a créé le monde en 7 jours et que les humains des premiers temps ont vécu en même temps que les dinosaures. Cela ne me gêne pas plus que des hindous qui croient en de multiples divinités dont certaines avec plusieurs bras ou avec une tête d’éléphant. Cela ne me gêne pas plus que les catholiques qui croient au dogme de La Trinité : un dieu en 3 personnes dont le fils né d’une vierge ! Les religions se caractérisent par leurs croyances irrationnelles.

Illustration dans le Creation Museum de Petersburg, Kentuky

Illustration dans le Creation Museum de Petersburg, Kentuky

En revanche, on peut constater les ravages causés par cette vision du monde évangélique : arrêt, aux USA et au Brésil, de la lutte contre le changement climatique, baisse, aux USA, de la protection sanitaire des pauvres (ils ne méritent pas d’être aidés puisqu’ils sont responsables de leur pauvreté et punis par Dieu), arrêt des tentatives de paix au Proche Orient (les évangélistes, qui se croient "peuple élu", croient à une prophétie sur la fin du monde et le sort des Juifs).

La théologie de la prospérité est-elle un héritage déviant de la vision protestante de l’argent ?

Pour Calvin, l’oisiveté est un vice, la richesse est un don de Dieu, signe de ses grâces. Mais Calvin n'oublie pas d'ajouter que cette abondance des riches doit être redistribuée aux pauvres : Nous sommes enseignés, écrit Calvin, que les riches ont reçu une plus grande abondance, à cette condition qu’ils soient ministres des pauvres, en dispensant les biens qui leur ont été mis entre les mains par la bonté de Dieu.

Les protestants puritains du 19e siècle ont développé une théologie de la rétribution qui fait un lien entre enrichissement et bénédiction. Les évangélistes l’ont transformé en théologie de la prospérité.

Chômeurs sans travail = oisifs, donc pauvres, donc pêcheurs ? Richesse = récompense divine attribuée aux plus méritants ?

Max Weber avait expliqué que le capitalisme moderne avait pu se développer en priorité dans les pays protestants. Les évangéliques nous expliquent que plus ils sont de bons chrétiens et plus ils sont riches, récompensés par Dieu.

Et Job ?

Protestants intégristes et évangéliques, qui citent abondamment la Bible ont-ils oublié la vieille histoire de Job ? Une histoire de juste souffrant, déjà décrite en Mésopotamie, avant d'être reprise dans la Bible. La question est posée : Job, un homme riche, vertueux et pieux, perd sa fortune et sa santé. Est-ce une punition divine ? Cette parabole sur le problème du mal est une interrogation qui touche de nombreuses cultures et dont la réponse va à l’encontre des croyances évangéliques : la souffrance peut toucher des justes et épargner des méchants. Il n’y a pas de justice divine qui sanctionne les pauvres et récompense les riches !

Notre culture française laïque, avec un vieux fond catholique qui se méfie de l’argent et du capital, va-t-elle résister à cette déferlante religieuse, à la glorification de la richesse et la stigmatisation de la pauvreté ?

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