Perte de mémoire ?
Par Nogat le vendredi 11 septembre 2015 - Vous êtes certain ?
Nicolas Sarkozy veut créer des centres de rétention aux portes de l’Europe pour bloquer l’afflux de réfugiés. Dernière affirmation d’un homme politique ayant comparé l’afflux de migrants à une grosse fuite d’eau.
Il a oublié qu’il est fils d’immigrés : son père, hongrois et son grand-père maternel, juif séfarade de Thessalonique. Révélateur de tous les bons Français dont les parents ont fui une dictature, un génocide, une guerre, une persécution politique ou religieuse, ou simplement une grande pauvreté, pour trouver en France ou en Europe un refuge en toute sécurité.
Son copain Arno Klarsfeld, fils de déportés juifs qui ont passé leur vie à démasquer les anciens nazis responsables de la Shoah, a osé twittter : personne ne dit que ce n’est pas raisonnable de partir de Turquie avec deux enfants en bas âge sur une mer agitee dans un frêle esquife.
Il a oublié ce qui s’est passé avant sa naissance : les millions de réfugiés qui ont voulu échapper (avec femmes et enfants, dans des conditions parfois épouvantables) à la barbarie nazie ou aux dictatures fascistes du sud de l’Europe ! Était-ce bien raisonnable ?
Français de souche
Comme les statistiques ethniques n’existent pas en France, difficile de connaître les Français de souche, horrible expression pour désigner les Français sans ascendance étrangère ! Cette expression suscite immédiatement quelques questions : Français depuis combien de génération ? Dans les lois de Nuremberg en 1935, les nazis ont tenté de définir qui était juif et ne l’était pas, en remontant aux grands-parents. Aux Antilles ou aux USA, on a tenté de définir qui était blanc ou noir. Et l’on voit encore trop souvent des Français noirs de peau (mais souvent français depuis le 17e siècle, comme les Antillais, contrairement aux Savoyards ou aux Niçois) soumis au même racisme que les immigrés d’Afrique noire, ce qui prouve que la notion de Français de souche ne tient pas compte des territoires d’outre mer et de l’histoire coloniale de la France (sauf pour les blancs de blanc !).
Un bon Français est donc d’abord un blanc, avec un héritage culturel catholique (mais les protestants depuis le 16e siècle et les athées depuis la Révolution ?). Et ceux qui ne correspondent pas à ce cliché, mais qui sont politiquement de droite ou d’extrême droite, oublient leur histoire personnelle pour se rappeler qu’ils sont bien français et qu’ils s’opposent à ces va-nu-pieds (voleurs ou violeurs en puissance), à ces profiteurs d’allocations qui veulent manger le pain des Français ! Oubliée la famille qui a fui la dictature de Franco ou de Salazar ou l’arrivée des communistes dans les pays de l’Est, oubliés le grand-père qui, chassé par la misère, s’est exilé de Pologne ou d’Italie pour trouver du boulot en France, oubliés les ancêtres venus de Chine ou d’Indochine pour remplacer les poilus partis à la guerre, oubliés les parents qui ont fui les dictatures d’Amérique latine, etc.
Et si on remonte avant le 20e siècle, combien d’exodes importants de population, chassées par les persécutions ou la guerre, a connu l’Europe ? Juifs et musulmans chassés d’Espagne par la Reconquista puis l’Inquisition au 15e siècle (expulsion des Juifs en 1492), Huguenots qui ont fui la France après la révocation de l’édit de Nantes en 1685, Juifs d’Europe de l’Est et de Russie qui ont fui les pogroms au 19e siècle.
Intégration
Mais, dit-on, accueillir des boat people venus d’Asie n’a pas posé de problèmes : les Asiatiques sont travailleurs, et même s’ils s’intègrent mal, ils bossent dur et participent au développement économique de la France. Mais accueillir des immigrés économiques ou politiques venus des pays de la Méditerranée occidentale n’a pas posé de problèmes : Italiens, Espagnols, Portugais sont catholiques et se sont bien intégrés. Oubliés les polacks ou les ritals ?
Tous ces réfugiés qui veulent submerger notre bon sol français viennent d’Afghanistan, d’Irak, de Syrie, de Somalie ou d’Erythrée : ils sont tous musulmans, arabes ou noirs ! Quelle horreur. Ils ne pourront pas plus s’intégrer que la racaille qui a envahi nos banlieues et qui surpeuple nos prisons !
Oubliés le flot des réfugiés arméniens qui avaient réussi à échapper au génocide de 1915 et qui étaient originaires d’une région très proche d’Irak et de Syrie ! Ils sont arrivés par milliers en France sans parler un mot de français. Les plus anciens ont même vécu toute leur vie en vase clos dans leur communauté de Marseille, Valence ou Lyon en apprenant seulement quelques mots de notre langue !
Réfugiés arméniens sur une plage de Turquie 1915
Oubliés le flot de réfugiés juifs qui ont échappé aux pogroms d’Europe de l’Est puis à l’arrivée du nazisme, avant la 2e guerre mondiale ! Ces Juifs d’Ukraine et de Pologne arrivés en France dans les années 1910 pour échapper à la persécution et la misère ! Ces Juifs allemands arrivés par milliers à l’arrivée d’Hitler !
Oubliés les discours antisémites entre l’Affaire Dreyfus et la fin de la 2e guerre mondiale sur l’impossibilité d’intégration des Juifs en France et sur l’anti-France ! Dès que Pétain est arrivé au pouvoir, on s’est dépêché d’interner dans des centres de rétention les réfugiés espagnols ou juifs pour protéger la France !
Bref, on oublie beaucoup. On perd la mémoire, on a une vision sélective des choses : on veut bien accueillir des réfugiés syriens, s’ils sont chrétiens, car les musulmans peuvent décapiter leur patron !
C’est vrai que les chrétiens ne volent pas, ne violent pas, ne tuent pas au nom d’Allah, mais au nom de leurs émotions ou de leurs intérêts personnels. C’est donc préférable ! Et pour se protéger des indésirables, on construit des murs, des barbelés infranchissables ou, en France, certains souhaitent un arrêt de la submersion migratoire car la France ne peut plus accueillir personne (Marine Le Pen 11/9/2015). On ne peut pas accueillir toute la misère du monde !
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