Le nougat de Noël en Méditerranée
Par Nogat le lundi 21 décembre 2015 - Le voyage des aliments pour la paix
Selon les pays, son nom et ses recettes varient : nougat ou touron en français, torrone ou copeta en Italie, turrón en Espagne, nougat dur ou nougat tendre, fruits secs entiers ou broyés, mais malgré ces différences, le principe est le même : le nougat blanc est une confiserie à base de miel et de sucre, d’amandes ou de noix ou de pistaches et de blanc d’oeuf, battu et cuit, généralement dressé sur du pain azyme.
Curieusement, cette confiserie est associée à la fête de Noël depuis le 16e siècle, sans qu’on sache véritablement pourquoi.
En Provence
Nougat de Provence, blanc et noir
Nougat noir et nougat blanc font partie de la tradition des 13 desserts du gros souper de Noël, le repas maigre mangé avant le réveillon. Cette tradition est attestée depuis la vieille de la Révolution. Le nougat de Provence est l’héritier de cette tradition religieuse et se vend majoritairement au moment des fêtes de fin d’année, contrairement au nougat de Montélimar, laïcisé dès ses origines au 18e siècle.
En Italie
Torrone italien
Dans la région de Bénévent, une enclave papale dans le royaume de Naples, on offrait le torrone au pape et aux dignitaires de l’Eglise, à Noël. Ce torrone s’appelait torrone del Papa (nougat du pape). À Crémone, capitale du torrone, ce dernier, avec la copeta, était offert à Noël en 1544, aux autorités espagnoles qui occupaient la ville. Les cousins italiens du torrone, cubbaita, nociata, mandorlato, sont également des spécialités de Noël. Cette tradition se poursuit encore de nos jours : il est difficile de trouver, dans le commerce, du nougat italien en dehors de cette période !
En Espagne
Turron d'Alicante
Le turrón est également une confiserie associée à Noël (60% des confiseries de Noël). Au 19e siècle, le turrón d’Agramunt était vendu dans des échoppes en bois dans les rues de Barcelone au moment de Noël. Cette pratique s’est poursuivie au début du 20e siècle.
Ses origines
Pourtant l’origine du nougat n’a aucun lien avec une fête religieuse catholique : sans remonter aux médicaments pour la toux de l’Antiquité romaine, à base d’amande et de miel (ancêtres du nougat noir), la première recette de nougat blanc est arabe : le nougat s’appelle alors nātif, sa recette se trouve dans un livre de cuisine arabe écrit à Bagdad au 10e siècle. Il est annoncé comme originaire de la ville d’Harran en Turquie (très proche de la frontière avec la Syrie).
Le nougat arabe va voyager en Méditerranée : on retrouve ses traces à Boukhara en Ouzbékistan où le nougat blanc s’appelle holva, à Alep au 14e siècle (le nougat en Syrie et au Liban s’appelle actuellement malbane), en Egypte (une recette au 14e siècle), en Andalousie arabe (où il s’appelait qubbayt ou ma’qud). En Turquie, le nougat est aux noix et s’appelle koz helva. Il est mandolato en Grèce où il est associé au carnaval.
Koz helva turc
À partir d’al-Andalus, il est facile de suivre le trajet du nougat arabe : il va en Sicile où il s’appelle cubbaita puis copeta en Italie, traverse jusqu’à Malte pour devenir qubbajt, il remonte l’Espagne pour devenir turrón. Il suit les conquérants catalans du royaume de Naples et des deux Siciles et devient torrone.
Le nougat arrive en France par la Catalogne : le touron catalan français est le frère du turrón catalan. Il arrive aussi d’Italie au 16e siècle, grâce à Nostradamus, médecin avant d’être prophète : il y trouve une recette italienne de pignolat très proche du nougat, qu’il propose dans un livre de confitures. Cette recette est reprise par Olivier de Serres, gentilhomme ardéchois. Nostradamus était natif de St Rémy de Provence, Olivier de Serres était voisin de Montélimar !
Tout cela ne nous explique pas vraiment pourquoi le nougat est associé à Noël, mais nous savons maintenant qu’il s’agit d’une confiserie typique des pays de la Méditerranée, un héritage culinaire commun aux Européens latins et aux Arabes.
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