Menu
Logo du site C'est évident ?

C'est évident ?

Une femme sans enfant !

Septembre 2021 sur Le Bec Magazine

Pas évident d’être une femme sans enfant dans un monde où la maternité est survalorisée et souvent présentée comme indispensable pour l’épanouissement d’une femme.

Femme et enfant

Femme et enfant - Photo Pixabay

J’ai 5 ou 6 ans, on m’a offert une grande et belle poupée avec une tête en porcelaine : beau conditionnement au futur métier de mère de famille. Hélas, j’aurais préféré jouer avec les petites voitures de mon frère ! Vers 10 ans, je découvre la lecture et finies les obligations de jeux "féminins".

J’ai 15 ans et les réunions familiales m’ennuient. Sujets de conversation côté femmes : la famille, les enfants, le ménage, les fringues ; côté hommes : le sport, la politique, le bricolage ; peu de mélanges possibles. Mes intérêts sont ailleurs et peu d’interlocuteurs pour les partager.

J’ai 22 ans, 1968 est passée, je suis étudiante. Nombreuses rencontres pour refaire le monde, enfin hommes et femmes réunis à égalité et parlant de sujets qui m’intéressent. L’avantage d’une grande ville : les contacts diversifiés sont plus faciles.

J’ai 25 ans, je suis enseignante en Afrique noire. Mes voisins ou collègues africains s’étonnent que je ne sois pas mariée et que je n’aie pas d’enfants. Les quelques Européens de la ville ont résolu le problème : ils me marient d’office à un bon copain et collègue de travail, sans savoir qu’il est homosexuel !

J’ai 30 ans, je suis enfin normale : je suis mariée. Mais je n’ai toujours pas d’enfant. La famille s’en désole et certaines font une pression plus ou moins forte pour que je change d’avis. Mes relations féminines ont deux types de réaction : si elles pensent que je ne peux pas avoir d’enfant, elles prennent un air triste pour compatir à ce malheur ; si elles savent que je n’en veux pas, elles ne comprennent pas. Pour certaines, ne pas souhaiter d’enfants est une preuve d’égoïsme, comme si le désir d’enfant était un signe d’altruisme ! Difficile d’avoir des conversations suivies avec une femme quand ses jeunes enfants sont là : nous sommes souvent interrompues par les pleurs ou les demandes des enfants. La mère est en priorité au service de ses enfants, même quand il n’y a pas d’urgence à les écouter ! Je ne suis pas dans la norme : une femme ne doit-elle pas avoir des enfants pour être épanouie et vraiment femme ? C’est dans notre nature d’avoir des enfants !

J’ai 50 ans. Mon entourage commence à parler des petits-enfants. Pas d’enfants, donc pas de petits-enfants : quel avenir sans descendance ? s’interroge mon entourage. Pourtant, des personnes âgées seules, abandonnées par enfants et petits-enfants, c’est une réalité !

J’ai 70 ans. Les jeunes femmes que je connais ont presque toutes des enfants, mais elles savent que, de nos jours, la maternité est un choix individuel et me laissent tranquille sur le sujet. Bien qu’elles aient toutes une activité professionnelle, pas facile à concilier avec la vie de famille, les enfants sont souvent leur sujet de conversation premier. Les plus âgées sont majoritairement centrées sur leurs petits-enfants : du bonheur de voir souvent ces petits-enfants, ou du malheur de ne les voir que rarement, ou d’être trop souvent obligées de faire la nounou.

Heureusement, toutes générations confondues et beaucoup plus souvent qu’avant, il devient possible de trouver des interlocutrices qui ont d’autres sujets de conversation que les enfants, la famille, la maison, les fringues et le corps qui doit rester beau et jeune ! Le déconditionnement au cliché de la féminité est en cours.

Nota bene :

Comme tous les témoignages, il faut le remettre dans son contexte : je fais partie de la génération du baby-boom. Ma jeunesse provinciale s’est passée dans l’ancien monde : éducation religieuse non mixte, peu de contacts avec les garçons, les femmes en charge de la maison et de la famille (même si elles travaillaient). Le conditionnement social à la maternité et à la féminité venait des femmes et non des hommes, peu présents et qui se déchargeaient souvent de l’éducation. Heureusement, le monde a commencé à changer, et de plus en plus de femmes refusent la soumission féminine aux hommes et les diktats de la mode, de la tradition ou des religions.

- Haut -